Le Contexte du Jeu

        Nous sommes en l'an 515 de l'ère Chrétienne, près de trente ans après la mort du Roi Arthur. Après des années dans l'ombre, Brittania est une île morcelée et disparate qui tente de survivre aux invasions germaines et scandinaves depuis l'échec de Caamelott à la fédérer et la fin de quatre siècles de joug romain. Dans ce contexte, Myrddin, le vieux conseiller de Pendragon qui n'en finit plus de rajeunir, a ressorti de sa manche Elyr-Ann Pendragon, fille de Mordred et donc petite-fille d'Arthur, ainsi que Gareth Orkney MacLeod, dernier fils du Roi Loth. Il a convoqué tous les seigneurs de Brittania et du continent à célébrer le mariage de ces deux êtres, dans le but tout à fait avoué de restaurer l'unité de Bretagne, et d'instaurer la paix en Albion. Mais les rancoeurs sont tenaces, les intérêts divergents, les esprits incrédules...Par ailleurs, les divers paganismes et cultes druidiques laissent peu à peu une place de plus en plus importante à la chrétienté, tandis que d'antiques cultes à mystères subsistent encore en Orient. Face aux envahisseurs,  la Gaulle devenue franque constituant désormais une puissance de premier ordre, Brittania doit se réunir, se trouver des alliés, choisir de se battre ou concéder des paix durables...mais sera-t-elle prête à payer d'autres tribus que celui de l'or ou du sang ? 

        C'est à ces questions que devront répondre, par la voix ou l'acier, tous les convives qui s'attableront au banquet de ces Noces de Glace et de Feu, au coeur d'un vieux château en Pays de Logres baigné d'histoire et de mystère, dans un monde incertain et des secrets plus obscurs encore...

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LETTRE DE MYRDDIN A ELYR-ANN

Snotigaham,

VII Februarius, Anno 560.Julianus

Ma chère, très chère Elyr-Ann,

                Cette missive te parviendra sans doute bien avant ma venue : j'ai encore fort à faire dans tout le Royaume avant de vous rejoindre pour ce jour tant attendu. Par les Géants, je voulais t'écrire une lettre formelle sur l'avancée des préparatifs de votre mariage, et me voilà nostalgique et affectueux !

                Il faut dire, comme tu as grandi...où donc est passée la petite fille espiègle qui fuyait le regard du vieillard inquiétant que j'étais alors ? Je me revois encore à cette petite aube de printemps il y a si peu d'années pourtant, où l'on me présenta à toi. Déjà, tu avais si vite grandi, moi qui t'avais vue à ton premier jour ! C'est dans ce matin clair que j'ai entrevu ta destinée, et que j'ai compris que ce petit bout d'homme d'Orcanie que j'avais laissé au bord de l'océan aquitain deviendrait un jour ton époux...Depuis, tu es devenue une femme forte et brave, déterminée et qui remporte désormais toute ma fierté; oui, je suis fier de ce que tu es devenue, sache tu fais honneur à ton si noble grand-père. Et Gareth...par ma barbe quel personnage ! Je vous trouve si parfaitement accordés, comment douter de la force du destin en marche, lorsque l'on vous contemple côte à côte ? Tu auras dans ta vie et dans ton cœur, pour appuyer ta gouvernance comme pour apaiser ton âme, un être infaillible et fantasque pourtant, aussi intransigeant que compréhensif, et cela toujours dans la plus belle des bienveillances à ton endroit. Ma chère enfant, toi qui est devenue souveraine et que, bientôt, je devrai  vouvoyer et nommer Majesté, sache que j'ai mis tout mon cœur dans vos épousailles, et que je ne cesserai de vous garder, à ma manière que tu connais déjà. Mais je ne doute pas que, peu à peu, très vite en fait, ma marque se fera de plus en plus ténue sur votre existence : j'ai le sentiment que mon ouvrage est fait et que vous, vous détenez toutes les plus nobles qualités parmi les hommes, pour devenir les artisans de votre propre mérite, et la gloire de Brittania...

                Trêve de sentimentalisme, toi que pour l'heure je choisis désormais d'appeler mon amie, puisque tu n'as guère plus besoin de ma main paternelle pour guider tes heures, je me dois de te donner quelques nouvelles quant à l'organisation de la cérémonie, et du contexte qui s'offre désormais à votre jugement.

                Comme tu le sais, il y a près de trente ans que ton grand-père, Arthur Pendragon, nous a quittés sous les coups de Mordred, ton père, avant que je ne guide son âme en Avallon. Depuis, le monde a tant changé...Les derniers chevaliers de la Table Ronde se sont éparpillés dans les royaumes tandis que Brittania sombrait dans le morcellement et l'adversité. Famines, guerres, luttes de pouvoir...Rome avait desserré son étreinte, puis s'était doucement effacée du monde, tandis que de nouvelles menaces venues de l'Est prenaient pied sur l'île. Que reste-il des cultes païens aujourd'hui ? Le Christ a empli le cœur des hommes d'une foi nouvelle, et la magie s'épuise...

                Un génération d'homme. Depuis, chacun s'est replié sur ses terres et tâche de survivre : le rêve d'unité que ton grand-père et moi partagions s'est éteint avec ses derniers vétérans. Et pourtant...pourtant tu le sais : toi l'héritière de ce rêve, avec le fils de Loth à ton bras, vous pourrez réamorcer ce merveilleux projet. Les préparatifs vont bon train, toutes les invitations sont envoyées : tu auras au banquet de tes épousailles toute la plus altière noblesse de Brittania, mais aussi du continent ! Gallia, Germania, l'empire d'Orient et Rome ont répondu favorablement à notre appel...Nos ennemis aussi, mais, si nous voulons œuvrer à la paix, n'est-ce pas là une magnifique occasion de trouver un terrain d'entente ? De tous les royaumes, de toutes les religions, ce que le monde connu abrite d'hommes et de femmes en haute gloire, tous seront présent pour assister à la merveille de la résurrection : celui du nom de Pendragon, celui de l'éveil de Brittania. Tu me trouves pour une fois trop enthousiaste ? Oui, tu as raison...bien sûr il y aura des obstacles, des complots sans doute, des trahisons peut-être...et quand bien même ! Je vous fais confiance, je vous sais aptes à bâtir un royaume nouveau, un royaume uni, une Brittania belle et pure, riche et juste, qui rayonnera sur le monde dans un esprit chevaleresque et noble. Vous avez toutes les armes morales pour y parvenir !

                D'ici là, ce sera un peu le banquet des inconnus...Quelques noms célèbres ont subsisté, mais les évènements de ces dernières années ont rendu les hommes ignorants de leurs voisins et frères. Aussi, j'ai pris sur moi de distribuer aux plénipotentiaires concernés quelques copies de notes que j'ai  prises tout au long de mes voyages...de courts extraits, mais qui sans doute seront utiles à tous qui, ici, ne sont plus forcément très au fait des royaumes et des civilisations du monde. En ces décennies difficiles, il a fallu travailler à faire vivre les siens, et l'intérêt pour les nations extérieures s'est forcément effacé. Avec quelques cartes, un peu d'héraldique, j'espère que tes invités sauront éviter de commettre des impairs : cela facilitera les discussions de tous.

                Dois-je te faire la leçon ? Tandis que tu prépares le château en terres de Logres, n'oublie pas que la responsabilité de ton royaume suppose que ta langue et ton intelligence soient aussi habiles que l'épée que tu manies avant tant d'agilité. Rome est morte peu après Arthur, et s'il demeure encore des traces bien prégnantes de sa domination sur le monde, il n'en reste désormais que le Saint Empire Romain d'Orient, qui, pour terriblement puissant qu'il soit, reste très éloigné de nous. Mais il saura, je pense, être un allié de choix. En Gallia, Syagrius et les Wisigoths sont tombés sous la détermination de Clovis; les Burgondes lui ont offert une allégeance indéfectible et Germania lui est soumise. Le Roi Franc est mort il y  quatre ans désormais, mais ses héritiers œuvrent sans relâche à perpétuer sa gloire. Les Scandinaves et les hommes du Nord ? Nul besoin de te rappeler que le départ de Rome a aiguisé leur appétit sur nos terres...Comme tu le sais, ils contrôlent le Sud de l'île...Mais ils sont tant assimilés désormais; sont-ce encore des étrangers ? A toi de le choisir; mais il est évident que les razzias estivales doivent, d'une manière ou d'une autre, cesser pour de bon ! Je crois que le reste de la Bretagne t'es acquise, à la condition que tu écoutes justement chacun, et que tu saches prendre en compte les susceptibilités de tous : Brittania ne donne naissance qu'à des hommes fiers et forts, et quel que soit ton nom, tu devras aller dans le sens qui les rallie les uns aux autres; sans quoi toi aussi tu échoueras. Mais n'aie crainte de ne pas porter de barbe : la légende de Boadicée est tenace dans le cœur de tous, et chacun sait qu'une femme est en mesure de mener des hommes avec autant de détermination, sinon de plus efficace et subtile manière, le bras de ses guerriers et les intentions et ses seigneurs.

                Au printemps tu seras mariée, et le monde sera votre témoin...Je relis cette lettre et je laisse échapper un rire : j'ai daté à la mode romaine...je me fais vieux, plus personne ne compte ainsi ! Ne t'inquiète pas : l'an 515 de l'ère Chrétienne sera, je l'espère, marquant dans l'esprit des hommes et des siècles à venir ! Je vais te laisser, je dois aller au devant de la délégation Sarmate : ils ont fait un très long voyage pour honorer la mémoire de leur serment passé à ton grand-père, je me dois de les accueillir au mieux et je crains que leur navire n'ai déjà débarqué; il va falloir que j'use quelques montures pour les rejoindre dans les trois jours !

                Je te transmets toute ma bienveillance et mon amitié et je te prie d'embrasser de ma part ce cher Gareth,  je vous rejoins très vite.

                Bien à toi ma future Reine,

Myrddin

 T.L_2014